Où étiez-vous en Mai 68 ? À Paris, en Mai 68, j'étais à toutes les manifs, je chantais dans les usines. On était sur les barricades de
Gay-Lussac et on en est partis juste avant que les CRS ne chargent
On a fait tranquillement toutes les barricades
à l'envers (il y en avait 7
)
Vous avez occupé Bobino Un jour de manif, Philippe Richeux et moi étions chez Gérard Meys, l'éditeur de Jean Ferrat, en compagnie de
plusieurs autres chanteurs. Le festival de Cannes venait d'être annulé, Hugues Aufray avait interrompu sa tournée
Les chose bougeaient. C'est alors que j'ai émis l'idée qu'il fallait que les chanteurs occupent, eux aussi, un lieu
symbolique et j'ai suggéré de " prendre " Bobino
Quelles étaient alors vos revendications ? Nous n'avions pas de revendications salariales. Mai 68, pour moi, ce sont des gens qui étaient à la recherche
de leur avenir et qui l'inventaient
C'était vraiment l'imagination qui se libérait. Dans les rues, tout le monde
se parlait, chacun disait ses rêves et ses espoirs et comment il voulait vivre sa vie
C'était ça, Mai 68 et pas
autre chose. Tout ce qu'il pouvait y avoir de politique était complètement dépassé, out !
Pour vous, quels ont été les acquis de Mai 68 ? Après 1789, il a fallu cent ans pour instaurer la démocratie et la République
Pour ce qui est de Mai
68, les choses sont finalement allées plus vite ! A partir de 68, on a parlé d'écologie, de retour à la terre, de
liberté, de crèches, de l'égalité des femmes
La société était en train de se poser les questions essentielles. En
68, personne ne voulait prendre le pouvoir
Mais cet aspect a été occulté, car on a voulu donner l'impression ,
après Mai 68, qu'il ne s'était rien passé. Ce n'est pas vrai du tout, il a seulement fallu que les idées fassent leur
chemin. Et elles ont fini par le faire !
Vous avez écrit plusieurs chansons sur Mai 68 Après le « le retour à la normale », nous étions déconcertés et un peu tristes. Surtout qu'au mois d'août 68 on s'était tapé l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Soviétiques et la fin du Printemps de Prague Début septembre, j'ai écrit Climat 68, une belle chanson nostalgique qui illustre bien l'état d'esprit dans lequel on se trouvait après cette déception Elle se termine par « Attention, Paris se maquille » Cela veut dire que tout n'était pas perdu, que ça allait se réveiller un jour Le Cahier est une chanson que Philippe Richeux avait commencée et que j'ai terminée. Elle parle de Mai 68 d'une manière plus soft. J'ai également écrit Li Liberté, une jolie bossa. Cependant, la plus représentative de mes quatre chansons sur ces évènements demeure Mai 68, écrite pour le dixième anniversaire et enregistrée en 1986 sur l'album Je suis devenue noire chez Moshe Naïm. J'avais entendu quelqu'un dire à la radio : « En Mai 68, finalement, il ne s'est pas passé grand chose » Il est vrai qu'en 1978 on n'en parlait presque plus, même entre nous, c'était plutôt assez mal vu de le faire on avait mis le capuchon dessus. Comme je le dis sur mon site, mon sang n'a fait qu'un tour, j'ai pris ma plume et ma guitare et j'ai écrit cette chanson dans la journée ! Je crois n'avoir fait que trois ratures ! Le travail s'était fait dans ma tête Ce n'est pas des partis politiques que viendra un changement. Il ne viendra pas d'en haut mais d'en
dessous
Tous les créatifs sont souterrains, chacun fait son truc de son côté. De plus en plus, les gens font des
choses chez eux, autour d'eux, avec leurs voisins, avec leurs amis
Ils bougent et ils essaiment de nouvelles idées
et de nouvelles façons de voir
et d'être.
Annie Nobel |
Après la Révolution de 1789, le roi Louis XVI a été guillotiné par les révolutionnaires.
Après 1968, de Gaulle lui-même, un an plus tard, tellement certain d'être investi de droit... divin,
a suscité un référendum à l'issu duquel il a été "remercié".
Un an plus tard... il est mort...
Les temps changent...
...and the times there are a changin'... (Bob Dylan...)